Où en est la stratégie Farm to fork ?

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Où en est la stratégie Farm to fork ?

Présentée en mai 2020 par la Commission européenne, la Stratégie De la ferme à la table, plus connue sous sa dénomination anglaise Farm to fork, constitue l’un des deux piliers du Pacte vert européen (ou « Green Deal »).

Pensée comme une stratégie visant à garantir « un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », cette feuille de route doit se décliner en une trentaine de textes législatifs visant à atteindre des objectifs ambitieux, parmi lesquels :

  • La réduction de l’utilisation des pesticides de 50% d’ici à 2030 ;
  • La réduction de l’utilisation des engrais chimiques de 20% d’ici à 2030 ;
  • L’atteinte d’un niveau de 25% de surfaces agricoles utilisées en agriculture biologique à l’horizon 2030 ;
  • La réduction de 50% des ventes d’antibiotiques pour les animaux d’élevage ;
  • La révision des directives sur le bien-être animal pour mettre fin à l’élevage en cage.

Couplée à la stratégie énergétique Fitfor55, Farm to fork constitue le volet agricole de la feuille de route de la Commission Von der Leyen, visant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Or, si le volet énergétique a connu une avancée remarquable, notamment avec l’adoption de six textes phares depuis le début de l’année 2023, la mise en œuvre de la stratégie agricole du Pacte Vert prend du retard.

Critiquée dès ses débuts par une partie de la profession agricole qui y voyait un risque pour le niveau de production alimentaire, la guerre en Ukraine a cristallisé les discussions autour de la souveraineté alimentaire, remettant en cause certains aspects de la stratégie Farm to fork et entravant quelque peu sa mise en œuvre.

 

A ce jour, seul le règlement sur les statistiques relatives aux intrants et aux produits agricoles a été adopté. Un autre texte, celui relatif à l’interdiction de deux néonicotinoïdes dans les produits importés, est également en bonne voie pour l’être prochainement. Les autres propositions législatives sont, quant à elles, loin de faire l’unanimité et pourraient être mises sous le tapis dans l’attente des prochaines élections qui auront lieu l’an prochain.

 

Par exemple, les propositions de règlement sur l’usage durable des pesticides (SUR) et la révision du règlement sur l’étiquetage alimentaire, se heurtent à des négociations particulièrement complexes au Parlement et au Conseil.

Ainsi, depuis sa communication en juin 2022, la proposition de règlement SUR a connu de nombreux soubresauts tant sur le fond que sur la forme. Sur la forme, le partage des compétences entre la Commission de l’Agriculture (Agri) et celle de l’environnement (Envi) du Parlement européen a été difficile à arrêter, tant le sujet est commun aux deux instances de travail. Finalement, si la commission Envi s’avère compétente sur le fond et que la commission Agri est sollicitée pour avis, ce n’est pas avant octobre prochain que le vote en plénière du Parlement européen ne pourra opérer. En cause, la demande d’une nouvelle étude d’impact sur le texte a engendré de nombreuses discussions sur le calendrier de travail du Parlement. Autant de temps passé sur la forme (procédure), plutôt que sur le fond.

 

Sur le fond, le texte a subi de nombreuses critiques de la part des Etats membres et des députés européens, portant notamment sur le calcul des objectifs nationaux de réduction des pesticides, ainsi que sur l’interdiction d’utilisation des pesticides dans les zones sensibles. Sur ce dernier point la Commission a rapidement revu son texte, et a finalement autorisé l’utilisation de produits de biocontrôle et des pesticides à faible risque dans ces zones. Malgré ces ajustements, le texte est encore loin de faire l’unanimité parmi les colégislateurs et la fronde menée par le PPE au Parlement européen laisse craindre un rejet total du texte.

Par ailleurs, la révision sur l’étiquetage alimentaire soulève d’importants débats, notamment en Italie, concernant le nutriscore. Toutefois, la révision de l’indication de date limite de consommation semble faire consensus.

D’autres textes phares tels que :

  • Le cadre législatif sur les nouvelles techniques d’édition génomique (NGT)
  • La législation sur les semences
  • La révision de la législation sur le bien-être animal
  • Le cadre pour la certification des absorptions de carbone

ont été présentés ou vont être présentés prochainement par la Commission, mais le délai s’avère trop restreint pour espérer être adoptés cette année, tant les sujets abordés sont loin de faire consensus.

En outre, l’étude d’impact sur la loi cadre pour des systèmes alimentaires durables, pierre angulaire de la stratégie Fram to fork, a reçu un avis négatif du comité d’examen de la règlementation. Les principaux points soulevés sont le manque de précision concernant l’articulation avec la législation existante et la clarification des besoins de cette législation. Autant d’arguments qui laissent planer le doute quant au respect du calendrier prévisionnel et la volonté de la Commission de présenter son texte d’ici l’automne.

 

Ainsi, même si les discussions ont été largement entamées, l’adoption du corpus législatif de la stratégie Farm to fork avant 2024 semble compromis. L’avenir du volet agricole du Pacte Vert pourrait donc se retrouver dans les mains de la prochaine Commission européenne, dont la couleur et les ambitions ne seront connues qu’à l’issue des prochaines élections européennes en juin 2024.

 

Plus d’info : auprès du Bureau de Bruxelles –Capucine Seguin - cseguin@remove-this.maregionsud.fr