Ursula VON DER LEYEN a prononcé son discours programme en séance plénière du Parlement européen le 18 juillet dernier, en vue d’obtenir son investiture à la tête de l’exécutif européen. Un discours hautement politique, devant tout à la fois tenir compte des exigences des Etats membres, définies en juin par les 27 dirigeants réunis en Conseil européen (Une Europe libre et démocratique, une Europe forte et sûre, une Europe prospère et compétitive), et convaincre une majorité d’eurodéputés de l’investir pour un second mandat. Exercice réussi avec une majorité de 401 voix favorables, consolidée par rapport au précédent mandat, portée par les forces dominantes de la droite et du centre (PPE, Renew), sachant également rallier des soutiens parmi les sociaux-démocrates et les verts. Cette majorité confortable est le fruit d’une redirection notable des priorités autour d’un triptyque défense et sécurité européenne, prospérité et compétitivité durables, démocratie et équité sociale. Le Pacte Vert qui était au cœur du mandat précédent entrera dans une phase de mise en œuvre.

Nouveau casting des commissaires européens et principaux chantiers en vue

La composition du collège des commissaires proposé par Ursula VON DER LEYEN en consultation avec les gouvernements des 27 nous en dit plus sur la façon dont les nouvelles priorités seront portées et réparties au sein de la nouvelle équipe. Pour mémoire le collège est composé de 26 membres selon le principe d’un commissaire par Etat Membre (+ la Présidence). L’organisation interne du collège relève des arbitrages effectués par la Présidence : définition des portefeuilles, répartition tenant compte des exigences des Etats Membres, des familles politiques, des compétences... Le choix de composer des portefeuilles aux intitulés très stratégiques dénote la volonté d’éviter les silos et de positionner l’organisation au service des nouvelles priorités politiques du mandat. Dans cette configuration, la France obtient un poste de Vice-président exécutif pour Stéphane SEJOURNE (ndlr : le plus haut niveau statutaire du collège des commissaires derrière la Présidence), chargé de la Prospérité et de la Stratégie Industrielle.

• Henné VIRKUNNEN (Finlande), Vice-présidente exécutive chargée de la Souveraineté Technologique, de la Sécurité et de la Démocratie 

Principaux chantiers annoncés dans la feuille de route : La VP aura pour mission de renforcer l’Europe comme un espace de liberté, de sécurité et de justice, par la consolidation de ses frontières matérielles et virtuelles. La VP aura à renforcer les capacités opérationnelles de l’UE en matière de gestion des frontières, pour appuyer la mise en œuvre du Pacte Européen sur l’Asile et les Migrations, et les outils européens de lutte contre le crime organisé. Le respect de la règle de droit et les dispositifs anticorruption devront être systématisés comme prérequis à l’obtention de fonds européens.

La construction d’une Europe de la Défense remonte au sommet de l’agenda européen. Elle doit passer par la négociation d’investissements communs, la mise en place d’un bouclier démocratique, ainsi que par le renforcement des capacités industrielles de l’UE en la matière.  

Plusieurs chantiers clés liés à la souveraineté technologique sont confiés à la Vice-présidente pour combler le retard de l’Europe en matière de numérique : élaboration d’une loi européenne sur le développement du cloud et de l’intelligence artificielle, stratégie d’application de l’IA,plan européen à long terme pour les semi-conducteurs quantiques, règlement sur les réseaux numériques et stratégie pour l’Union européenne des données.

• Stéphane SEJOURNE (France), Vice-président exécutif chargé de la Prospérité et de la Stratégie Industrielle

Principaux chantiers annoncés dans la feuille de route :La compétitivité de l’économie européenne est au cœur du nouveau projet politique défendu par Ursula VON DER LEYEN. Alors que la compétition internationale se durcit, notamment avec la Chine et les Etats-Unis, l’Union Européenne doit conjurer le risque d’une « lente agonie » pointé par le rapport Draghi, et rattraper son retard en se dotant d’une stratégie ambitieuse. A la clé : une meilleure coordination des efforts industriels, un niveau accru d’investissements en faveur de la compétitivité et de la décarbonation, et une souveraineté européenne sécurisée dans certains secteurs clé. En première ligne sur ces sujets, le VP Stéphane Séjourné aura à travailler de concert avec la VP chargée de la Transition Propre, Juste et Compétitive afin de proposer dans les 100 premiers jours un Pacte pour une Industrie Propre. Ce nouveau cadre de régulation négocié avec les parties prenantes devra favoriser la croissance industrielle avec un focus sur la décarbonation, les industries propres et les incitations à l’investissement. Le VP est également attendu sur la mise en place du Fonds Européen pour la Compétitivité, et sur la proposition d’une loi sur l’accélération de la décarbonation industrielle, pour soutenir le développement, la production et la diffusion des technologies dites « propres ».

Son portefeuille comprend la gestion directe des sujets Industrie, PME, et Marché unique. Il est ainsi chargé de donner suite aux recommandations du rapport Draghi sur la gouvernance économique par la mise en place d’un outil européen de coordination de la compétitivité, et travaillera à poursuivre la simplification du Marché Unique et la levée des barrières internes, tout en appuyant la poursuite du déploiement du mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières.

• Kaja KALLAS (Estonie), Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et Vice-présidente exécutive

Principaux chantiers annoncés dans la feuille de route :La nouvelle cheffe de la diplomatie européenne aura pour mission de renforcer l’Europe de la Sécurité et de la Défense ; pour ce faire elle préparera dans les 100 premiers jours un Livre Blanc sur l’Avenir de la Défense Européenne, en lien avec le Commissaire Défense et Espace. L’Estonienne aura à veiller à ce que l’UE continue à soutenir l’Ukraine dans la durée, en mobilisant les leviers économiques, politiques et militaires aussi longtemps que nécessaire, tout en œuvrant à l’émergence d’une paix durable et à la préparation de la reconstruction. Elle devra également faire entendre la voix de l’Union en faveur d’une solution à deux Etats dans le conflit israélo-palestinien en défendant une approche plus cohérente de la part des 27.

Au-delà des positions liées à des conflits en cours et à une reconfiguration des rapports de force internationaux, elle aura à développer une approche plus stratégique des relations entre l’UE et le reste du monde, avec une politique de voisinage à poursuivre (travail avec les pays candidats à l’adhésion) et remodeler (Pacte pour la Méditerranée), un partenariat transatlantique à renforcer de même que celui avec le Royaume Uni, et des partenariats à redéfinir, animer ou renforcer selon les enjeux au Sahel et en Afrique, dans la région Indo Pacifique, en Amérique du Sud. En lien avec le VP à la Prospérité, elle contribuera à la définition d’une stratégie économique extérieure. Enfin, elle aura à déployer la réflexion sur la capacité de l’UE à répondre de façon flexible à de nouvelles menaces cyber ou hybrides.

• Roxana MINZATU (Roumanie), Vice-présidente exécutive chargée des Personnes, des Compétences et de l’État de préparation

Principaux chantiers annoncés dans la feuille de route :Le confortement d’un modèle social européen est essentiel pour accompagner le projet politique d’une Europe alliant Prospérité et Compétitivité. Le portefeuille comprenant, entre autres, les affaires sociales, a été confié à la candidate roumaine Roxana MINZATU. Pour soutenir ce modèle social et sa dimension humaine, la culture, le sport, les enjeux de santé mentale, l’égalité et la lutte contre les discriminations sont mentionnés dans la feuille de route. Les chantiers prioritaires de la VP portent cependant davantage sur la réalisation d’une Europe des Compétences, à même d’accompagner la double transition numérique et durable. Le programme Erasmus+ sera conforté pour continuer à offrir des opportunités de formation et des expériences européennes aux jeunes ; les dynamiques d’alliances universitaires ont vocation à être poursuivies, avec une perspective de développement à moyen terme de diplômes universitaires européens. Une Stratégie européenne pour l’enseignement et la formation professionnelle sera élaborée pour soutenir notamment le développement de l’apprentissage. La Portabilité des compétences devra faire l’objet d’une initiative, afin de favoriser la reconnaissance d’un pays à l’autre, tandis que le Pacte pour les Compétences continuera l’effort de soutien aux formations et reconversions de travailleurs dans les secteurs touchés par des pénuries de main d’œuvre ou de compétences.

Le Socle Européen des Droits Sociaux constitue l’autre volet de ce portefeuille, avec un plan d’action à élaborer en 2025. Une feuille de route pour des emplois de qualité sera construite en dialogue avec les partenaires sociaux, ainsi qu’une première Stratégie de l’UE contre la Pauvreté ; la mise en œuvre du Fonds Social pour le Climat sera également suivie par la VP en lien avec les autres commissaires.   

• Raffaele FITTO (Italie), Vice-président exécutif chargé de la Cohésion et des Réformes

Principaux chantiers annoncés dans la feuille de route :La politique de cohésion pèse traditionnellement lourd dans le budget de l’UE ; elle suscite un certain nombre de critiques, venant en particulier des Etats Membres dits « frugaux ». Avec ce portefeuille sensible l’Italien Raffaele FITTO aura d’une part à superviser la bonne mise en œuvre du cadre financier actuel, et d’autre part à moderniser la politique de cohésion pour préparer la période post 2027.  Il aura ainsi à veiller à l’atteinte des objectifs poursuivis dans les plans de relance et de résilience, pour déclencher les versements du plan de relance européen Next Generation EU, prévus jusqu’en 2026. Cette méthode visant à coupler voire conditionner financements et réformes pourrait être plus systématiquement déployée pour moderniser la politique de cohésion, dans le sens d’une efficacité accrue et de plus de simplicité. Selon sa feuille de route, la politique de cohésion gardera son rôle premier en matière de réduction des disparités régionales, mais devra évoluer pour contribuer plus largement à l’atteinte des priorités de l’exécutif européen en matière de croissance. Elle accompagnera notamment la compétitivité et la transition durable des secteurs agricoles et alimentaires, de la pêche, et de l’économie bleue. Elle devra prendre en compte la diversité des enjeux territoriaux et contribuer à la vivabilité des différentes régions, rurales, côtières, insulaires, ultramarines, en soutenant l’accès à des services de base (éducation, formation, santé, connectivité…). Raffaele FITTO aura par ailleurs à contribuer aux chantiers relatifs au Logement abordable, au Plan européen d’adaptation climatique, ainsi qu’à la Stratégie européenne de résilience dans le domaine de l’eau.

Commissaires

• Maroš Šefčovič, (Slovaquie), Commerce et de la Sécurité économique
• Valdis Dombrovskis, (Lettonie), commissaire à l’Economie et à la Productivité
• Dubravka Šuica, (Croatie), commissaire pour la Méditerranée
• Olivér Várhelyi, (Hongrie), commissaire pour la Santé et le Bien-être animal
• Wopke Hoekstra, (Pays Bas), commissaire chargé du Climat, de la Neutralité carbone et de la Croissance propre
• Andrius Kubilius, (Lituanie), commissaire chargé de la Défense et de l’Espace
• Marta Kos, (Slovénie), chargée de l’Elargissement et du Voisinage oriental.
• Jozef Síkela, (République Tchèque), commissaire chargé des Partenariats internationaux
• Costas Kadis, (Chypre), Commissaire chargé de la Pêche et des Océans.
• Maria Luís Albuquerque, (Portugal), commissaire en charge des Services financiers et de l’Union de l’épargne et de l’investissement.
• Hadja Lahbib, (Belgique), Etat de préparation et gestion de crise
• Magnus Brunner (Autriche) Commissaire chargé de l’Intérieur et de la Migration
• Jessika Roswall (Suède), commissaire chargée de l’Environnement, de la Résilience en matière d’eau et d’une Economie circulaire compétitive
• Piotr Serafin, (Pologne), commissaire chargé du Budget, de la Lutte antifraude et de l’Administration publique
• Dan Jørgensen, (Danemark), commissaire à l’Energie et au Logement
• Ekaterina Zaharieva, (Bulgarie), Commissaire à la Recherche et l’Innovation
• Michael McGrath, (Irlande), commissaire chargé de la Démocratie, de la Justice et de l’Etat de droit
• Apostolos Tzitzikostas, (Grèce), commissaire chargé du Transport et du Tourisme durables
• Christophe Hansen, (Luxembourg), commissaire chargé de l’Agriculture et de l’Alimentation
• Glenn Micallef, (Malte), commissaire chargé de l’Equité intergénérationnelle, de la Culture, de la Jeunesse et du Sport

Une prochaine étape très attendue : les auditions

Chacun des candidats désignés par Ursula VON DER LEYEN sera entendu par les députés européens lors d’auditions prévues du 4 au 12 novembre. Ces auditions devant les commissions parlementaires concernées par chacun des portefeuilles visent à vérifier que les commissaires proposés respectent les critères énoncés à l’article 17 du traité sur l’Union européenne : “Les membres de la Commission sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen, et parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance.”Ces auditions, qui ont pu amener quelques candidats à être retoqués par le passé, seront donc suivies avec attention.

A l’issue de cette étape, un vote final d’approbation du collège dans son ensemble viendra clore le processus, et devrait permettre à la Commission d’être pleinement opérationnelle d’ici décembre 2024.

Pour en savoir plus :

Political Guidelines 2024-2029_FR.pdf (europa.eu)

Poster of Commissioners 2024 2029.pdf (europa.eu)