Compétitivité & simplification : sous pression, la Commission européenne ouvre de vastes chantiers

Compétitivité & simplification : sous pression, la Commission européenne ouvre de vastes chantiers

Face à une économie européenne ralentie, et à la mise en cause du modèle européen par ses détracteurs outre-atlantique, l’exécutif européen a pris la voie d’un mandat résolument tourné vers les entreprises. Ursula Von der Leyen l’avait clairement affirmé, dès son investiture : le mandat qui s’ouvre sera un mandat de croissance et d’investissement, sans pour autant renoncer au Green Deal : la transition vers une économie décarbonée devra être favorable à la compétitivité et technologiquement neutre. C’est également le message porté par le Vice-Président exécutif Stéphane Séjourné, en charge de la Boussole de Compétitivité et du Pacte pour une Industrie Propre:  “A l’heure où certains cherchent à nous imposer leur modèle, la meilleure réponse est de renforcer notre propre modèle européen.”

La Boussole de compétitivité : un signal fort à destination des investisseurs et des marchés

 

La Commission Européenne a communiqué le 29 janvier dernier un document de 27 pages constituant la très attendue « Boussole de Compétitivité ». Ce document constitue la doctrine économique de l’UE pour les 5 prochaines années : il a pour but de partager largement le projet politique porté par la nouvelle Commission pour ériger la compétitivité en priorité absolue et combler le retard de compétitivité de l’UE, en donnant un cadre prévisible aux différents acteurs quant aux évolutions à venir. La Boussole donne ainsi à voir la trajectoire  vers laquelle convergent les nombreux chantiers entrepris par la Commission, et qui dominent largement son programme de travail .

 

Le premier pilier stratégique de la Boussole vise à réduire l’écart en matière d’innovation. Pour ce faire l’UE créera un environnement favorable à la création puis à l’expansion des entreprises innovantes, via une stratégie européenne pour les start-ups et scale-ups (2025) et la mise en place d’un 28e régime correspondant à un nouveau statut juridique pour les entreprises innovantes. Le soutien à la recherche et à l’innovation devra mobiliser plus efficacement les financements pour atteindre la cible de 3% du PIB. Enfin, les technologies avancées que sont l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs, les technologies quantiques, les technologues spatiales, les matériaux avancés, les biotechnologies, les mobilités connectées et autonomes, feront l’objet d’initiatives visant à libérer et stimuler les capacités de recherche et d’innovation européennes.

 

Le second pilier porte sur une feuille de route conjointe pour la décarbonation et la compétitivité. L’objectif de conduire l’Europe vers un modèle d’économie décarbonée à horizon 2050 est réaffirmé : la décarbonation doit même ouvrir un chemin de croissance économique, en basculant vers des modes de production propres et circulaires. La mise en œuvre du second pilier passera par un plan d’action sur une énergie abordable et de nécessaires investissements en matière de réseaux électriques et de stockage énergétique. La demande en produits peu carbonés sera encouragée par de nouvelles dispositions en matière de marchés publics, et par des mesures financièrement incitatives. Les secteurs intensifs en énergie feront l’objet de plans d’action dédiés, en particulier l’acier, le métal ou la chimie, cela afin que les investissements nécessaires à la transition puissent être mobilisés ; enfin, la mobilité sera abordée via l’accompagnement du secteur automobile par un plan dédié, et la poursuite des investissements pour la connectivité ferroviaire transfrontalière et le développement d’un réseau ferré européen à grande vitesse.

 

Le troisième pilier, dédié à la réduction des dépendances excessives et le renforcement de la sécurité économique et stratégique, pointe les risques inhérents à certaines chaînes de valeur dépendantes de matériaux critiques, qu’il s’agisse de technologies, de santé, ou de sécurité alimentaire. Dès lors des plateformes d’achat conjoint seront mises en place pour sécuriser les approvisionnements. Des conditions de préférence européennes en matière d’achat public, visant à renforcer les capacités de production européennes dans certains secteurs clé seront rendues possibles.

 

En parallèle, deux paquets « Omnibus » pour alléger les obligations faites aux entreprises

 

La Commission européenne a présenté en parallèle un ensemble de mesures destinées à simplifier les normes s’imposant aux entreprises, quitte à revenir sur certaines dispositions phares de son Pacte Vert (Green Deal).  

 

  • La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité,visait à établir au niveau européen une responsabilité et un devoir de vigilance pour les entreprises de + de 1000 salariés, et au chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros, quant aux possibles violations des droits humains et de l’environnement intervenant en amont dans leur chaîne de valeur. Les exigences sont revues à la baisse, notamment en portant à 5 ans l’échéance de réévaluation des risques, auparavant annuelle. 
     
  • La directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) : introduite pour accroître la transparence des entreprises sur leurs impacts environnementaux et sociaux, elle serait largement réduite dans son périmètre, en limitant les obligations de déclaration aux seules entreprises de plus de 1 000 salariés. La Commission supprime également les normes de déclaration sectorielles et adopte une norme volontaire pour les PME.
     
  • La taxonomie de l’Union européenne sera également allégée, et alignée sur le champ d’application de la CSRD, en limitant les obligations de déclaration aux entreprises de plus de 1 000 salariés. Une réduction importante des données à déclarer est également envisagée, avec une promesse de réduction de 70 % des modèles de déclaration. Enfin, les critères du principe du « ne cause pas de préjudice important » (DNSH) pour les produits chimiques seront dans un premier temps simplifiés, avant un examen approfondi et une simplification d’ici la fin 2025.